Les voitures hippomobiles du haras national du Pin
Détail veston rouge ("Gilet de palefrenier" des haras nationaux, réglementaire depuis le Second Empire)
Le haras national du Pin, « Versailles du cheval », est le plus ancien et le plus célèbre des haras nationaux. Construit entre 1715 et 1730, il émane de la volonté de Louis XIV et de Colbert de réformer et améliorer les haras royaux. Depuis lors, il est le berceau des traditions et savoir-faire français liés au cheval. Amélioration de la race, apprentissage et valorisation des métiers de la sellerie-bourellerie, de la maréchalerie et de l'attelage, telles sont les missions de l'IFCE (Institut français du Cheval et de l’Équitation), qui, conjointement avec l’État, la Région Normandie et le Département de l'Orne, gère le site du Pin.
Ecurie ouest n°2, dite écurie des grands étalons
Les voitures et la tradition de l'attelage au Pin
Des patrimoines divers et parfois méconnus sont présents au Pin, au premier rang desquels la collection de voitures hippomobiles. Le grand attelage à quatre chevaux percherons, mené avec allure par le personnel des haras nationaux en veston rouge est toujours l'un des emblèmes de l'institution. Véritable patrimoine vivant, la tradition de l'attelage y est ainsi pérenne grâce à la conservation de voitures datant de la seconde moitié du XIXe siècle. Régulièrement attelées, elles intriguent et suscitent l'intérêt des visiteurs.
Départ d'attelages, carte postale début 20e siècle - Collection Tanneguy de Sainte-Marie
Grand break attelé à quatre Percherons dans la cour d'honneur du haras
Bien qu'utilisée depuis la préhistoire, la traction animale a décliné au fil des améliorations techniques, les voitures hippomobiles se font donc rares aujourd'hui et l'attelage demeure un art d'initiés. Des manifestations comme les Jeudis du Pin ou des concours internationaux participent cependant à leur mise en valeur.
Le XIXe siècle est une époque où le cheval est indispensable. Les voitures du haras du Pin le montrent. Véhicules de ville ou de campagne, utilitaires ou associés à des pratiques de loisirs, elles témoignent de façons de travailler et de se déplacer qui sont révolues. La protection Monument historique d'un certain nombre d'entre-elles en 1987, une première en France, témoigne de la variété et de la qualité de la collection du Pin.
La cour des remises, carte postale antérieure à 1910 - Collection Tanneguy de Sainte-Marie
Les voitures fonctionnelles
Aucune voiture en usage au haras du Pin jusqu'aux années 1860 ne nous est parvenue. Elles étaient probablement utilisées jusqu'à leur destruction ou leur démantèlement en pièces détachées. Seules des descriptions écrites d'anciens visiteurs ou d'anciennes cartes postales nous permettent d'en connaître une partie. L'actuel parc de voitures hippomobiles a d'abord été constitué afin de répondre à des besoins spécifiques. La plupart des breaks (au nombre de sept), charrettes et autres voitures de services de cette époque ont donc participé au travail quotidien et à la vie du haras.
Mécanique à volant (frein)
Coquille
Barre de volée
Paumelle
Suspension à ressorts elliptiques
Moyeu
Essieux
Frette
Jalousies
Passage de roues
Place du meneur
Break - Le break est une voiture découverte, initialement prévue pour le dressage des chevaux. Son nom anglais, quoique son origine soit française, signifie « dresser » ou « rompre ». L'utilisation de cette voiture devient très populaire à la fin du XIXe siècle, pour suivre les parties de chasse ou se promener à la campagne. Les haras nationaux adoptent massivement le break grand modèle, d'où son appellation « break réglementaire des haras ». Le grand break est la voiture emblématique des haras nationaux, la plus attelée et montrée au public.
Une variante du break, le dog-cart - Dérivé du break, le dog-cart est une voiture à deux ou quatre roues utilisée pour transporter matériel, chiens et personnes à la chasse. Il dispose le plus souvent d'une banquette à l'arrière pour quatre personnes dos à dos. Les coffres qui constituent la caisse sont creux et peuvent ainsi accueillir les chiens, recevant de l'air frais grâce à des petites ouvertures situées sur les côtés appelées « jalousies ». Ce modèle a été modifié pour participer au concours international d'attelage sportif de Windsor en 1977. Le renouveau de la pratique sportive de l'attelage a notamment été impulsé par le prince Philip d'Edimbourg, époux de la Reine Elizabeth II d'Angleterre. - Photographie de Jean-Louis Libourel
Charrette - De nombreuses charrettes sont présentes au haras. Ce sont les voitures les plus simples, dans leur construction mais aussi dans la façon de les conduire. Elles ne sont en général attelées qu'à un seul cheval, entre les brancards. D'usages multiples, souvent à des fins utilitaires, les charrettes sont des voitures très appréciées à la campagne.
Squelette - Les squelettes sont exclusivement réservés au dressage des jeunes chevaux à l'attelage. Leur allure fantomatique tient au fait que la caisse est inexistante, afin de maximiser la robustesse de leur construction. La flèche et l'essieu arrière sont ainsi renforcés. Les haras nationaux possèdent 40 squelettes, ils sont rares dans les collections particulières.
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La trace d'un art de vivre
au XIXe siècle
Aux voitures fonctionnelles, se sont ajoutées à la collection du Pin des modèles légués par de riches propriétaires, souvent désireux de les remplacer par des automobiles. Ils reflètent l'art de vivre de la haute société française de la seconde moitié du XIXe siècle. Tous de très belle facture, ils sont le reflet du savoir-faire français en matière de carrosserie, réputé inégalé à l'époque.
Trois de ces voitures ont été classées au titre des monuments historiques en 1987 en raison de leur valeur patrimoniale toute particulière : le Road coach, le coupé de voyage et le milord fermé.
Coupé de voyage - La voiture la plus ancienne conservée par les haras nationaux. Très peu de voitures de voyage nous sont parvenues, alors qu'elles étaient nombreuses et très utilisées. Ce modèle, appelé aussi « dormeuse », privilégie la robustesse de sa construction et le confort pour les passagers. C'est une voiture de voyage plutôt lourde, mais solide et très confortable. Il existe des voitures de voyage beaucoup plus légères, comme les chaises de poste, qui n’accueillent qu'une personne. Ce modèle possède un ingénieux système qui rabat un panneau de l'habitacle, permettant ainsi d'étendre ses jambes pour dormir, ce qui donne son surnom au véhicule. L'intérieur est agrémenté de toutes les commodités nécessaires à un long voyage. De nombreux rangements et coffres sont à disposition, un système d'éclairage avec vitre éloigne les fumées de bougie et les odeurs d'huile de l'habitacle. La voiture appartenait au marquis Raoul d'Albon (1809-1879), propriétaire du château d'Ô, à Mortrée, puis à ses successeurs jusqu'au commandant Ballière, qui en fit don au haras du Pin en 1948.
Vue intérieure du coupé de voyage du marquis Raoul d'Albon (1809-1879).
Siège et intérieur capitonnés du coupé de voyage.
Road coach - Les « coachs » se placent au sommet de la hiérarchie des véhicules hippomobiles. Ce sont les voitures les plus prestigieuses à conduire, en posséder une est le reflet d'une grande fortune. Imposantes et hautes, elles étaient souvent utilisées pour se rendre aux courses hippiques, où elles servaient de tribune privée. Les amateurs de « driving » affectionnent tout particulièrement ce type de voiture. Cette pratique consiste à conduire soi-même et régulièrement un coach « en grandes guides », et transporter des passagers. Ce sport doit montrer le talent et l'habileté du meneur, qui s'adonne volontiers à des courses ou performances de vitesse. Ce modèle a été donné au haras du Pin par la veuve du baron Étienne de Zuylen de Nyevelt de Haar en 1934.
Road coach, vue de trois-quart arrière, face aux remises.
Milord fermé - Cette voiture est l'unique modèle de milord fermé conservé dans les collections publiques françaises. Voiture rare, elle était peu répandue en France et ne connut jamais un grand succès. Sa construction est hybride, entre le cab anglais à deux roues, qui possède un habitacle fermé, et un milord n'ayant pas de structure rigide. Cette originalité lui a valu un classement au titre des Monuments historiques.
Milord Gacon et Cie - Il s'agit ici d'un Milord de modèle classique fabriqué par la firme lyonnaise Gacon et Compagnie, transféré du haras national des Bréviaires au Pin en 2006. Les milords découverts comme celui-ci sont très répandues, parce que largement utilisés en ville comme fiacres.
Phaéton Lelorieux - Voiture citadine très populaire, le phaéton possède des variantes nombreuses. Léger, aux lignes racées, il est rapide et apprécié des amateurs de « driving », c'est à dire de conduite assez sportive. Attelé à deux chevaux, il est toujours mené par son propriétaire.
Omnibus du carossier Lelorieux - Cette voiture de service de la seconde moitié du XIXe siècle transportait bagages et voyageurs de la gare d'Argentan jusqu'au haras. L'omnibus privé connut un grand succès chez les riches propriétaires de châteaux et maisons de campagne. Quatre personnes peuvent s'installer à l'extérieur, jusqu'à huit à l'intérieur.
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Les formes d'attelage :
Selon les voitures, leur utilisation ainsi que le nombre de chevaux attelés, les haras nationaux pratiquent de nombreuses variantes dans les formes d'attelages.
L'attelage simple s'effectue à un cheval.
L'attelage à deux chevaux :
L'attelage à trois chevaux, dit "à l'évêque" s'effectue sur une voiture à quatre roues (principalement les omnibus).
L'attelage à quatre chevaux, en grandes guides, sur une voiture à quatre roues (cf. illustration ci-dessus).
L'attelage à cinq chevaux (deux au timon, trois en volée) dit "grande arbalète" se pratique le plus souvent sur les omnibus ou les breaks.
Exemple d'attelage à quatre en grandes guides. "Le team du Directeur avec ses quatre magnifiques rouans". Carte postale début XXe siècle, détail (collection Jean-Louis Libourel)
Les missions des haras évoluent, le travail sur la race et l'entretien d'un nombre important de chevaux ne constitue plus leur unique priorité. Il importe de donner une visibilité plus grande à leurs activités, de valoriser les métiers liés au cheval et des pratiques comme celle de l’attelage.
Dans ce contexte, la collection de voitures hippomobiles du Pin trouve toute sa place. Témoin d'une époque où le cheval était omniprésent dans la vie des hommes - pour se déplacer, travailler ou même briller en société - elle porte la marque des savoir-faire des charrons, selliers et carrossiers de la seconde moitié du XIXe siècle jusqu'aux derniers constructeurs des années 1950 (le charron Henri Oréal pour le haras). La richesse de ces objets s'exprime autant dans la diversité de leurs formes que par les savoir-faire liés à leur construction et leur utilisation.
Il semble qu’aujourd’hui, à l'ère du moteur, nous ayons tendance à oublier la scène fascinante d'un attelage en marche. Au Pin, cette tradition reste bien vivante.
Marque du carrossier Lelorieux gravée sur un chapeau de roue
Marque du carrossier Jacques Rothschild & Fils sur un chapeau de roue
Monogramme des haras nationaux en métal argenté
Textes et recherches iconographiques
Maxime Goupil
Crédits photographiques
Région Normandie - Inventaire général - Patrick Merret, Pascal Corbierre
sauf mentions spéciales
Conception de la publication numérique
Pierre Baronnier
Remerciements:
Tanneguy de Sainte-Marie, Jean-Louis Libourel
Contact Région Normandie, Inventaire général du patrimoine culturel
tél: 02.31.06.97.33
Courriel
inventaire-du-patrimoine@normandie.fr
Vous pouvez retrouver de plus amples précisions sur la collection du Pin dans l’ouvrage "Voitures hippomobiles, haras national du Pin" aux éditions Lieux-Dits. Publié à l’occasion des Jeux Equestres Mondiaux en 2014, il est signé du spécialiste de ce patrimoine, Jean-Louis Libourel.